Les deux classes de
Terminale ES ont participé à la visite-conférence
sur " Les Grands courants artistiques " au Musée d'Orsay
et apprécié ces différentes oeuvres
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Dans une scène d'orgie où les personnages sont peints dans une attitude très théâtrale, évoquant des modèles anciens, Couture représente une idée du goût officiel en cette fin de Monarchie de Juillet, elle-même en train de se déliter, avant d'être totalement renversée par la Révolution de 1848, instaurant un nouveau régime, le Seconde République. Le tableau est composé de deux niveaux distingués par un travail sur les couleurs : la partie supérieure témoigne de la grandeur de la République Romaine avec ses personnages illustres, peints dans un dégradé de gris, de beige et de bleu pastels ; quant à la partie inférieure, elle représente avec des couleurs très vive une scène d'orgie où courbes dessinées par les corps dénudés contrastent avec la raideur des colonnes et des statues de pierre. C'est un monde palpitant qui gronde dans cette scène dont le but est de frapper le spectateur qui a l'impression d'assister réellement à la scène (d'autant qu'une femme au centre semble nous fixer avec un regard d'impuissance, comme pour faire de nous des témoins de cette décadence). Il s'agit d'une peinture d'histoire, appartenant aux sujets " nobles " dans la hiérarchie des genres en vigueur au XIXème siècle, puisque Couture s'inspire de la Renaissance italienne, notamment Les Noces de Cana de Véronèse qui renvoie en même temps au présent, à travers les déchirements et les incertitudes liés à l'histoire contemporaine. Marqué encore par une manière de peindre académique, très appréciée et en vogue dans les Salons officiels, ce tableau témoigne malgré tout de la fin d'un monde... |
À la différence de Thomas Couture, Millet illustre à la même période une nouvelle façon de peindre, qui s'intéresse à des sujets appartenant aux genres mineurs, le paysage et la scène de genre, c'est-à-dire une scène de la vie quotidienne, prise sur le vif, réalisée parfois sans pose et représentant des gens ordinaires. Il y a certes beaucoup de paysages au Musée du Louvre (exposant des tableaux allant notamment de la Renaissance italienne à Delacroix), mais ceux-ci représentent des scènes mythologiques et ont pour sujet central des personnages. Millet avec les peintres de l'Ecole de Barbizon (groupe de peintres qui vivaient et travaillaient dans la forêt de Fontainebleau) s'attachent à décrire la vie paysanne dans sa noblesse et son humilité. Ainsi, cet Angélus très statique, représente la prière du soir pour les morts, lorsque le dur labeur s'arrête en un instant d'éternité. Ce sont ici les paysans qui sont le sujet principal du tableau, puisqu'ils occupent les trois quarts de la toile. Il s'agit très certainement d'un souvenir d'enfance, puisque Millet, très cultivé, était originaire d'une famille de paysans normands. Ce tableau annonce une manière de peindre réaliste : on représente la vraie vie (voir la vérité des costumes, des attitudes), ici, les personnages sont ancrés dans la terre grâce à des teintes marrons sombres et un fort contre-jour, ce qui donne en même temps à cette scène de la vie rurale une certaine grandeur. |
Ce tableau de grande dimension peut être considéré comme un manifeste en forme d'autoportrait des idées artistiques, politiques et sociales du peintre Gustave Courbet. L'artiste se représente en effet au centre de la toile, un peu à la manière de " Dieu le Père " dans les tableaux religieux. À gauche, il a peint ses amis le monde des arts et les courants de pensée de l'époque (Proudhon, Baudelaire, les époux Sabatier) à droite, la société du Second Empire dont il rejette les injustices. Il faut savoir que Courbet avait des idées politiques radicales, ami de Proudhon et du socialisme utopique (" La propriété c'est le vol "), il a notamment participé à la Commune en 1871 lors de laquelle il tenta de déboulonner la colonne Vendôme, symbole de l'opulence d'une société injuste. La nature représentée sur le tableau est ici chargée d'un symbole, elle est souvent chez Courbet source de vie, proche des êtres humains, ici le tableau fait référence à une nouvelle manière de peindre la nature, celle de l'École de Barbizon. Derrière le tableau, un modèle à l'antique dans une pose proche de l'académisme. Courbet témoigne également de son athéisme, et son rejet de toutes les Églises (on aperçoit à gauche un prêtre et un rabbin). Il s'agit d'un tableau à la construction complexe, dont chaque personnage représente de manière allégorique une idée, un engagement ou un refus de l'artiste. |
Cette oeuvre comporte à la fois des éléments très réalistes, par exemple le modèle représenté au premier plan est une personne réelle, Victorine Meurant, modèle très connu à cette époque, les vêtements de hommes à la mode contemporaine, et des éléments incongrus, étonnants et susceptibles de choquer le spectateur : cette femme est nue et entourée d'hommes habillés, indifférent à son attitude. Le tableau met en lumière la prostitution, la scène se passe au Bois de Boulogne, et les personnages sont insouciants et la femme pleine d'assurance Le modèle regarde le spectateur, comme pour provoquer son jugement. La scène est informelle, prise sur le vif, et en même temps très composée. On a reproché à Manet ses erreurs de perspective (la femme à l'arrière-plan est trop grande), de laisser apparaître les coups de pinceau, et de s'adonner à un genre mineur, trivial : la scène de genre. Or, on sait que le tableau n'a pas été peint en plein air, et que l'artiste a décidé de chaque élément du tableau. Ainsi, il mêle consciemment l'ordinaire, le prosaïque et l'étrangeté, par le décalage qu'il établit entre le tableau, l'oeuvre et la réalité, la vie. Le tableau fut, comme beaucoup d'autres, refusé au Salon officiel de 1863, car il était une " offense à la pudeur " selon l'expression de napoléon III. Notons que ce " déjeuner sur l'herbe " est un motif classique dans la peinture, de Titien (Concert champêtre au Xylème siècle) à Picasso en passant par Monet et Cézanne. Tout en supprimant les codes, Manet crée, par le regard de cette femme au centre un malaise chez le spectateur : elle ne dégage pas de véritable sensualité mais amène à réfléchir.. |
Cette oeuvre est une des premières à avoir été peinte en plein air. Les figures semblent bouger dans le paysage au lieu de poser de manière figée dans les tableaux de Manet. L'air circule et le mouvement donne une sensation de liberté, de légèreté. Il s'agit de restituer l'atmosphère, la lumière, grâce aux ombres qui la restitue par contraste. On peut aussi constater que les personnages sont décentrés : il n'y aucun motif, aucune figure qui est mise en valeur, si ce n'est l'arbre autour duquel les femmes semble tourner, sans être face au spectateur. C'est le début de la peinture par petites touches de couleur (voir les fleurs, les feuilles des arbres, le chemin et le ciel). Les blancs sont éclatants et sont nuancés en fonction de la luminosité. Ce tableau peut être considéré comme le manifeste de l'impressionnisme. Il fut refusé à cause de la banalité du sujet et de la manière de peindre et exposé au Salon des refusés. |
Le monde de Caillebotte est urbain et non plus rural. Ici, l'auteur prend sur le vif une scène de travail dans un appartement parisien, peut-être un hôtel particulier, représenté dans toute sa pénibilité, comme un effort physique. Le parti pris est réaliste : les trois hommes sont à moitié nus, une bouteille de vin est installée à proximité, leur musculature est rendue grâce à un travail sur les ombres, les outils sont peint avec minutie. Le cadrage est cependant original (on pense notamment à un cadrage photographique, car le peintre s'intéressait beaucoup à cet art naissant), puisque les ouvriers sont représentés d'en haut, en plongée, comme pour souligner par une impression d'écrasement, l'oppression sociale, la pauvreté dans laquelle ces hommes travaillent, en créant un contraste avec l'appartement. On peut songer à Zola pour cet aspect naturaliste, qui ne cache rien des moeurs de la classe ouvrière (voir Germinal ou L'Assommoir). L'ensemble donne une impression de spontanéité, de naturel, la scène est une tranche de vie, on surprend un moment que le peintre nous montre sans jugement, sans se mêler ni faire poser ses personnages. |
Cette oeuvre est l'une des premières sculptures modernes, puisqu'elle renonce aux canons de la beauté encore en vigueur dans cet art. Il a utilisé des vrais objets et des matières diverses (cire, cheveux artificiels, rubans de soie, tutu). La jeune fille adopte une pose facile, mais offerte au regard du spectateur (épaules redressées, tête en arrière, bassins en avant) qui ressent une impression de malaise, son corps est abîmé par la danse, et ce corps marqué dont la croissance s'est arrêtée coexiste avec un air juvénile, et les critiques lui ont reproché son " indécence animale ", son " museau vicieux ". En effet le modèle n'est pas spécialement beau, mais il est peint dans sa vérité crue. Le réalisme de Degas (cette jeune fille connut la misère et la prostitution) montre bien la rigueur, voire la cruauté du monde de la danse, qu'il avait minutieusement étudié : la danseuse ne sourit pas, contrairement à son attitude sur scène, rien à voir donc avec la vie rêvée des danseuses. |
Ce tableau a été peint au plus fort des années impressionnistes, sous l'influence réciproque de Monet, et n'est pas sans rappeler Les Coquelicots, par son sujet et sa composition en pente douce. Le paysage unit les hommes et la nature pour en faire un tout harmonieux et coloré. C'est une promenade dans la campagne, peinte en extérieur, sur le vif comme pour saisir, immortaliser l'éphémère. La toile n'est pas vernissée, la matière, les coups de pinceau sont visibles et les motifs ne sont pas décrits, entouré d'une ligne. Les impressionnistes dessinaient très rarement avant de peindre. Ce tableau montre l'existence d'une démarche commune des peintres impressionnistes qui souvent ne signaient pas leur tableau. L'important est de rendre le plus fidèlement possible les variations de la lumière et la spontanéité de l'instant. C'est une lumière tremblotante et vibrante d'une journée agréable qui anime le tableau. |
10ème oeuvre : L'Église
d'Auvers sur Oise, vue du chevet, peint par Vincent Van Gogh en 1890
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La démarche de Van Gogh tourne le dos à l'impressionnisme et fait entrer l'art dans une nouvelle dimension qu'on appellera expressionniste. Inspiré par le naturalisme de Millet, pour la simplicité et l'humilité de ses peintures rurales, auquel il emprunte certains motifs. L'image de l'église est passée au filtre de la psychologie torturée et désespérée de l'artiste, elle est représentée à la tombée du genre dans une teinte grise, telle une forteresse, aux contours déformés de façon expressive. Cette vision est intériorisée, le peintre se représente d'une certaine façon dans ce tableau. Si les Cathédrales de Rouen peintes par Monet à toutes les heures de la journée sont des odes à la lumière, l'église de Van Gogh est sombre et ressort sur un fond bleu pervenche et bleu nuit. Le tableau est chargé d'angoisse, et l'auteur s'éloigne de la vraisemblance pour rendre un sentiment de solitude, malgré la présence d'un personnage qui s'enfonce dans les profondeurs du tableau, et semble happé par lui. Nous sommes loin du Chemin de Renoir respirant le bonheur de vivre, la touche n'est pas touche de lumière, mais agitée comme le tourment qui habite Van Gogh, qui peint ce tableau un mois avant son suicide. |
Cette toile fut peinte à Tahiti, où Gauguin était parti chercher la vivacité des couleurs et le charme d'un paradis perdu. Il va tirer de la nature non plus la réalité d'un paysage lumineux, mais une poésie de formes et de couleurs. La peinture ici est très conceptualisée, elle est une oeuvre de l'esprit, le paysage est recomposé pour se détacher de la scène réelle. On entre alors dans l'imaginaire de l'artiste qui cherche à symboliser la cohabitation pacifique des animaux et des hommes. Le cheval est au premier plan, il est le personnage principal du tableau, et en cela Gauguin restitue son statut d'animal sacré, seul et libre à l'inverse des autres chevaux à l'arrière-plan, montés à cru. Il n'y a plus de vraisemblance des couleurs (le blanc est vert, la surface de l'eau est dorée, les arbres bleus, etc.) L'ensemble est japonisant : finesse des motifs, peints sans profondeur. |
Cette oeuvre est une des plus représentatives du divisionnisme ou pointillisme, qui désigne une manière de peindre par petits points, par touches divisées. C'est la peinture pure, la surface du tableau (il n'y a pas de perspective, tout juste une impression d'espace suggérée par un jeu d'échelle dans les rangs des spectateurs) qui intéresse ces peintres, et non plus le sujet, la réalité. La dynamique du cirque y semble pétrifiée grâce à l'opposition entre les courbes du manège et l'immobilité, l'horizontalité des spectateurs. Tous les personnages du cirque sont inscrits dans un cercle et Seurat rassemble dans un motif en virgule (cirque, fouet, acrobate) et en zigzag et en escalier (gradins, lignes brisées des coulisses et du ruban de l'écuyère). Le travail de Seurat s'appuie directement sur des recherches récentes sur les lois de l'optique et de la perception visuelle, pour la juxtaposition de tons et les contrastes ; c'est l'oeil du spectateur qui mélange les couleurs et leur donne leur intensité (orange, violet, noir brillant ...). Nous sommes dans un art formel, où il s'agit d'expérimenter des techniques scientifiques. À noter : le travail sur le cadre où l'artiste applique la même technique, dans un but purement décoratif. |
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