En résumé
« Ici, rien à apprendre, le désert, un ruban de mots comme
une piste sans fin, sans but, qui ne mène nulle part, et qui s’achèvera
sans doute comme elle a commencé, dans la muflerie et le ricanement. »
Dans l’univers en expansion du nouveau roman de Régis Jauffret –
un livre qui pourrait ne jamais s’arrêter, composé de 600 pages
toutes identiques, toutes différentes – , nulle place pour le décryptage
du sens de la présence de l’homme dans le cosmos. Non, il retourne
de tout autre chose. De l’exploration du champ des possibles liés
à la médiocrité de nos vies. Ou plus précisément
de sa vie à « elle ». « Elle », c’est-à-dire
Aude Mardelin, Brigitte Carelot, Véronique Seradat, Laure Danret, Juliette
Ducorin, etc. Peu importe les noms qu’elle endossera, elle sera tous les
noms, elle n’en sera aucun, elle incarnera toutes les histoires possibles
d’une femme possible, elle n’en incarnera aucune et ne bénéficiera
que d’une seule : posture fixe : le spectacle de la cuisson de son gigot
dans le four et l’attente d’invités qu’elle méprise
de toutes les manières du monde.
Vaste roman du conditionnel et de l’interchangeabilité des éléments
constitutifs de la vie humaine (sociale, affective, sexuelle, biologique, etc.),
Univers, univers se déploie implacablement, ou plutôt indifféremment,
au gré de sa médiocrité à « elle » (mariée
à un « il » pas terrible non plus).
Un chef-d’œuvre un poil goujat absolument nihiliste – au sens
où tout équivaut à tout et peut se substituer à tout
– qui mime le mouvement de l’univers en même temps qu’il
nous fait terriblement et tragiquement rire.